ÉDITO: Libérez BOUGRINE !

Il se meurt dans une cellule depuis juin dernier. Mohamed BOUGRINE, 72 ans, membre du conseil national du forum vérité et justice, fondateur de l’USFP, de la CDT, et de l’AMDH, avait été condamné à un an de prison ferme pour « atteinte aux valeurs sacrées de la monarchie ».

سجين المقدسات

Le journal - Ali Amar

4/5/2008

Par Ali Amar

Il se meurt dans une cellule depuis juin dernier. Mohamed BOUGRINE, 72 ans, membre du conseil national du forum vérité et justice, fondateur de l’USFP, de la CDT, et de l’AMDH, avait été condamné à un an de prison ferme pour « atteinte aux valeurs sacrées de la monarchie ». Il avait soutenu des manifestants du 1er Mai qui avaient scandé, selon la police, des « slogans anti-monarchistes ». Ses positions lui ont valu d’être accusé d’opposant irréductible au régime de Mohammed VI. Radical, BOUGRINE ? Sans aucun doute. Il l’a été sous le protectorat contre la présence française au sein de « la main noire », l’organisation de Mohamed Zerktouni, sous Mohamed V pour avoir mené une rébellion contre un potentat local. En 1973, il sera emprisonné pour avoir participé aux focos révolutionnaires de Moulay Bouâzza contre Hassan II. Dans les années 80, il s’opposera aux instances dirigeantes de l’USFP en menant la contestation dans son fief de Beni Mellal. La jeune génération des militants des droits de l’Homme en a même fait l’icône de la contestation des années 2000.

Aujourd’hui, le vieux briscard est agonisant au moment où Mohammed VI marque une certaine empathie pour nombre de condamnés : il a gracié le jeune Fouad Mourtada, usurpateur malchanceux de l’identité du prince Moulay Rachid sur Face book, le Français Christophe Crutuchet, un expatrié incarcéré pendant dix-huit mois pour trafic de drogue. Abdeslam Izzou, l’ancien chef de la sécurité des palais royaux a bénéficié d’une peine légère malgré son implication dans des réseaux mafieux et Abdelaziz Laâfora, l’ancien bras droit de Driss Basri, aura quant à lui profité d’un interstice juridique lui permettant de recouvrer la liberté après une condamnation à dix ans de prison dont quatre passés à l’ombre. Le « prisonnier des trois rois », lui, demeure embastillé. Si Mourtada est sorti grâce à la forte mobilisation internationale des internautes, qui ont littéralement comparé la liberté d’expression sur le Net au Maroc à celle, bien pire, du régime tunisien, que Crutuchet s’en est sorti par l’entregent de la pression diplomatique française dont rabat est si sensible, que Laâfora ne gênait plus depuis la disparition de son mentor, le maintien de BOUGRINE pour une saillie sans conséquence et sa mobilisation auprès des contestations est d’autant plus dommageable et injuste. Le régime serait-il à ce point plus réactif lorsqu’il estime que son image à l’international est écornée ? Le front intérieur des opprimés et des laissées-pour-compte le comprend ainsi. L’opinion publique en général tout aussi, surtout par-ce que le roi est incontestablement populaire pour son image humaniste. Dans le cas BOUGRINE, c’est encore une fois l’argument du sacré qui est projeté avec tout son lot de scories féodales rejaillissant de façon très négative sur le règne de Mohammed VI. Si le roi s’adapte, s’il croit corriger une justice à la main lourde, s’il est permissif par pragmatisme et realpolitik, autant qu’il le fasse pour BOUGRINE. Et pour lui-même surtout.