Le roi contre ses juges
« Trop de grâce tue la grâce ». Cet adage, qui s’applique au rôle économique de l’Etat, revêt une dimension troublante aujourd’hui, après la prolifération des « grâces royales » dans des procès liés aux « sacralités ». Le roi mène-t-il une guerre contre son propre système ?
إهانة المقدسات
Le journal
4/12/2008


« Trop de grâce tue la grâce ». Cet adage, qui s’applique au rôle économique de l’Etat, revêt une dimension troublante aujourd’hui, après la prolifération des « grâces royales » dans des procès liés aux « sacralités ». Le roi mène-t-il une guerre contre son propre système ?
Mort en prison à 95 ans
Le chauffeur du bus s’arrête à un barrage et informe les gendarmes de ce que Nasser aurait commis. Celui-ci est arrêté et condamné, en septembre 2007, à trois ans de prison ferme et à une amende de 1.000 dirhams. Motif ? « Atteinte aux valeurs sacrées ». Trois mois plus tard, le 18 février 2008, au matin, Ahmed Nasser est retrouvé mort dans sa cellule de la prison Aïn Ali Momen, à Settat. Juste avant lui, Mohammed BOUGRINE, 73 ans, un des militant du gauche les plus connus, est arrêté au cours d’une manifestation du 1er Mai (2007) et condamné, avec une dizaine de militant de l’Association marocaine des droit de l’Homme (AMDH), à un an de prison. Il y restera dix mois avant qu’une énième grâce royale le libère, le 4 avril 2008. Motif de la condamnation ? « Atteinte aux valeurs sacrées ». L’emprisonnement de Mohammed BOUGRINE est très symbolique. Il est surnommé le « prisonnier politique des trois rois » car il a été détenu pour ses opinions politiques à plusieurs reprises et sous le règne de trois monarques : Mohamed V, Hassan II, et Mohammed VI. Une campagne nationale et internationale avait propulsé son cas au-devant de la scène médiatique et dans les structures des ONG les plus influentes. L’image du Maroc et de son roi était, encore une fois, écornée, et la pratique des « grâces » a montré ses limites. (…etc.)
Confessions d’un magistrat
(…) Il faut dire par ailleurs qu’une fois devant les juges, dans la majorité des cas, les « inculpés » nient les faits, sauf dans le cas de BOUGRINE, qui a été arrêté, lui, suite à une manifestation publique. L’inculpation et la condamnation se font-elle, donc, sur la base de témoignages et de PV « concoctés » dans les locaux de la police judiciaire ? Sans aucun doute. Résultat, la vengeance et les règlements de compte sont fréquents, et la justice est souvent utilisée à cette fin. (…)