MOHAMED BOUGRINE: Prisonnier des trois rois
Prisonnier politique sous Mohammed V et Hassan II, Il vient d’être condamné, à 72 ans, pour « slogans attentatoires à la sacralité du roi ». Portrait d’un personnage.
إهانة المقدساتالنشأة
TELQUEL
7/7/2007


Prisonnier politique sous Mohammed V et Hassan II, Il vient d’être condamné, à 72 ans, pour « slogans attentatoires à la sacralité du roi ». Portrait d’un personnage.
Comme le dit le proverbe, jamais deux sans trois. Incarcéré plusieurs fois du temps de Mohammed V et Hassan II, Mohamed BOUGRINE a depuis quelques semaines l’occasion de goûter à la prison sous le règne de Mohammed VI. Dans la nuit du 25 au 26 juin, le Tribunal de première instance de Beni MELLAL a en effet condamné ce militant de 72 ans, membre du conseil national du Forum vérité et justice, et membre fondateur de l’UNFP, la CDT et l’AMDH, à un ans de prison ferme pour « atteinte aux sacralités ». BOUGRINE avait été embarqué le 6 juin, quelques heurs après avoir participé à un sit-in très critique envers le Pouvoir, en soutien aux manifestants arrêtés le premier mai pour avoir scandé, dixit les PV de police, « des slogans antimonarchistes ». Aux policiers qui l’interrogent ce jour-là, il répond sans aucune hésitation : « je n’ai jamais scandé de slogans, mais je suis entièrement d’accord avec ceux qui l’ont fait ». Le procès-verbal stipule qu’il aurait même déclaré « être contre le régime de Mohammed VI ». Les déclarations de Mohammed BOUGRINE n’étonnent pourtant personne dans le milieu des droits de l’homme. « L’homme est connu pour son radicalisme depuis une bonne cinquantaine d’années », nous apprend ce militant de gauche. C’est d’ailleurs ce radicalisme qui lui a valu autant de séjours en prison.
Militant jusqu’au bout
Mohamed BOUGRINE est natif de Tagzirt, dans les environ de Beni MELLAL. Une région dont il est, depuis la période du protectorat, le symbole de la lutte contre l’oppression et l’injustice. « Il est très estimé et très respecté par beaucoup de gens par ici, et même par les plus jeunes », confirme Ahmed Helmaoui, le représentant de l’AMDH à Beni MELLAL. Les premiers faits d’armes de Mohamed BOUGRINE remontent à la période du protectorat, quand il se joint d’abord à « la main noire », organisation clandestine armée dirigée par un certain Mohamed Zerktouni, puis à l’armée de libération nationale. En 1960, il a droit à son premier séjour derrière les barreaux. Accusé d’avoir participé à la rébellion menée par un caïd local contre les autorités, il écope de sept ans de prison. En 1973, il est impliqué dans les évènements de Moulay Bouâzza, qui avaient pour but de renverser Hassan II avec les armes. Il est alors enlevé sur son lieu de travail, torturé puis condamné à trois ans de réclusion.
Durant les années quatre-vingt, rebelote. Il est arrêté à deux reprises. Mais cette fois, l’ennemi n’est pas le roi, mais l’USFP… dont il fait pourtant partie. D’abord en participant à l’occupation « non autorisée » des locaux du parti à Fqih Ben Saleh et à Beni MELLAL une manière pour lui de contester « la légitimité des instances dirigeantes » de la formation socialiste. Verdict : dix-huit mois de prison. En 1983, alors que Abderrahim Bouâbid vient de donner son accord pour participer aux élections législatives de la même année, 35 membres de la commission administrative de l’USFP (les futurs fondateurs du PADS), dont font partie Mohamed BOUGRINE et l’Avocat Abderrahmane Benamer, tentent de prendre d’assaut le siège rbati du parti, pour exprimer leur désaccord avec la décision du secrétaire général. Verdict : trois ans de prison ferme.
Près de 24 ans sont passés et Mohamed BOUGRINE, toujours interdit de passeport depuis les années 70, n’a rien perdu de sa verve militante. Et son âge avancer comme la maladie n’y fait rien. En 2000, il avait été frappé d’une hémorragie grave qui a duré près de 13 heures… dont il se remettra. « C’est incroyable souligne ce militant du PADS. Aujourd’hui encore, il est présent à toutes les grandes manifestations que connaît le pays. Et il a encore la capacité de discuter avec vous des heures durant avec une précision stupéfiante. Et il a toujours des convictions aussi radicales ». Aux dernières nouvelles, Mohamed BOUGRINE vient de renoncer à faire appel.